L'Église Notre-Dame de Pîtres

Pîtres fait partie de l'Ancien diocèse de Rouen, Doyenné de Périers sous le patronage du Chapitre De Notre dame la Ronde à Rouen.

Son architecture

    L'église paroissiale, dédiée à Notre Dame, fournit dans ses parties les plus anciennes un témoignage de l'antiquité de la paroisse. La nef, étroite et longue, appartient à deux époques et la moitié occidentale paraît être le résultat d'un agrandissement opéré au XIIième siècle. Quant à l'autre moitié, il est vraisemblable qu'elle remonte au Xième siècle, voire même au IXième. La partie inférieure du mur nord montre les moellons disposés en arêtes de poisson (opus spicatum) ; mais les fenêtres sont plus caractéristiques encore, avec les briques intercalées entre les claveaux de leurs arcs en plein cintre. Le percement de fenêtres nouvelles, imitation de deux fenêtres gothiques ouvertes au XVIième siècle dans le mur sud, est venu, par malheur, dénaturer en 1887 ce vénérable édifice.

Un des piliers de l'église


    Le chœur a été reconstruit dans la première moitié du XIIIième siècle ; il est rectangulaire et comprend deux travées carrées, sur la première desquelles s'élève la tour du clocher. Il y a des différences dans les supports des doubleaux où l'on voit tantôt des colonnes, tantôt des fûts octogonaux ; il y en a aussi dans la décoration des chapiteaux , que surmontent des tailloirs de plan polygonal. Les ogives des voûtes, formées de tores amincis en amande et accompagnés de gorges et de filets reposent sur des culots pour la plupart grossiers ; l'un d'eux présente cependant la disposition du culot coudé qui est l'une des caractéristiques du style normand de la première période gothique , des lancettes sans ornements éclairaient primitivement ce chœur, auquel deux chapelles sont venues s'ajouter successivement du côté sud. Celle de l'est, la seule caractérisée , comprend une travée qui reçoit le jour par une fenêtre à meneau et à oculus quadrilobé et les nervures de sa voûte se composent de trois tores séparés par des gorges, le tore principal muni d'un filet. Les lambris sont datés du XVIème siècle.

    Le chevet, la fenêtre de même type que celle de la façade sud est encadrée par un édicule moderne qui abrite une Piéta adossée à cette fenêtre, composé de deux murs, couvert d'un toit en bulbe (ardoise), et précédé de trois degrés. A droite de cet édicule, vous pouvez remarquer l'appareil de pierre de taille de cette partie de la façade qui agit comme contrefort de la deuxième travée du chœur.

    L'étage supérieur de la tour est un assez curieux spécimen du style en usage dans la Haute Normandie au second quart du XIIIième siècle . Cet étage est percé sur chaque face d'une baie en tiers-point dont les détails corrigent par leur délicatesse, ce que l'ensemble de la tour a d'un peu lourd. Sous une arcade dont l'arc et les piédroits sont dessinés par une moulure formée d'une gorge entre deux tores, s'ouvrent deux baies jumelles en tiers-point sur colonnettes, et un oculus supérieur. Les crochets de feuillage saillants des chapiteaux, le tailloir polygonal de la colonnette isolée achèvent de caractériser ces baies. Les maçonneries de la tour comportent également des réutilisations de matériaux antiques.

    Enfin, la corniche n'a pas moins d'intérêt, elle comprend une série de petites arcatures en tiers point, subdivisées par des espèces de culs-de-lampe et soulignées de trèfles creusés dans le parement. Cette tour est de plan sensiblement barlong. Le mur nord présente, dans sa partie inférieure des briques et fragments de briques qui ne forment pas des assises régulières et ne sont autre chose que des remplois de matériaux gallo-romains. La façade ouest de l'Eglise est une reconstruction de 1903.

Extrait de " Les nouvelles de l'Eure " n°15

Vous trouverez ci-dessous quelques prises de vue supplémentaires à la page sur l'évolution de Pîtres de l'église:

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La façade Sud au couchant

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Le clocher vu du Sud

 
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Le rez-de-chaussée de l'église vu du Sud

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Vue de l'Ouest au couchant 

    L'Eglise Notre-Dame est, depuis 2003, mise en valeur la nuit par un éclairage adapté qui la rend visible à grande distance depuis les alentours.

 

Face Nord
 
Face Est La vierge illuminée

 

Faits historiques concernant l'Eglise Notre-Dame

    Pîtres avait un château royal, castellum novum ad Pistas, que dut faire bâtir Charles Le Chauve, qui régna de 840 à 877. Peut-être ne fit-il qu'agrandir ou réparer celui que les premiers rois mérovingiens , qui se plaisaient sur les bords de la Seine et aimaient à y faire leur résidence, avaient fait élever sur une villa Romaine ; d'importantes découvertes faites dans les environs de l'église de Pîtres, attestent la présence et le séjour des Romains dans le pays.

    Le roi y tint plusieurs assemblées dans lesquelles il prit des mesures pour arrêter la marche des normands, qui envahissaient le pays ou pour régler les affaires de l'État.

    Une première assemblée ou diète eut lieu à Pîtres en 861et 862 ; le roi y avait réuni les barons et les comtes , les archevêques , évêques et abbés de son royaume. Cette assemblée est nommée Concile Royal ou national. Ce fut dans cette diète, ou ce Concile , que Charles Le Chauve , qui voulait se défendre contre les invasions des normands qui menaçaient ses frontières et s'opposer au pillage des pirates , obtint les subsides nécessaires pour établir des travaux de fortification et de défense afin d'intercepter le passage de la Seine en avant d des vallées de Pîtres et du Vaudreuil, ce fut à l'endroit où existe aujourd'hui le Pont-de-l'Arche qu'il fit construire une forteresse, composée d'un pont crénelé et d'une tour à chacune de ses extrémités.

    Un autre concile se tint à Pîtres en 864, il est connu sous le nom d'édit de Pîtres . On s'y occupa de l'organisation du système monétaire. On y instruisit aussi le procès de Pépin II, roi d'Aquitaine qu'on déclara déchu de ses États.
Dans une troisième diète qui s'y tint, en 869, on dressa plusieurs capitulaires. 
On compta dans le concile de 864, un grand nombres de prélats et d'abbés de comtes, et de barons, venus de tous les points de vue du royaume, comme on le voit, le simple village actuel de Pîtres devait être alors fort important pour recevoir ainsi tant de grands personnages.
Charles le Simple vint aussi habiter le château de Pîtres, et y signa plusieurs actes et diplômes.
L'église de Pîtres - plusieurs archéologues, l'Abbé COCHET, R BORDEAUX, et de CAUMONT- ont supposé que c'était dans l'église de Pîtres qu'auraient été tenus les trois conciles de 861, 864, 869. Nous partageons leur opinion, en nous appuyant sur les détails de l'architecture de la nef dont les murs en petit appareil présentent l'opus spicatum et mêmes certaines assises de blocage séparées par des rangs de pavés. Sur le mur Nord, existent deux petites fenêtres en plein cintre, dont les claveaux de pierre sont séparés aussi par des pavés romains.
Cette disposition a bien été employée jusqu'au commencement du XIième siècle et qu'elle n'est pas antérieure ; du reste, cette nef était plus vaste car le portail actuel s'applique contre les murs qui ont été coupés. Les murs de la nef ont subi de nombreuses réfections et dans la tour du XII e siècle, on a employé de nombreux blocs et pavés romains. Rien ne s'oppose donc à admettre que cet édifice ait servi de lieu de réunion aux assemblées dans lesquelles Charles Le Chauve promulgua ses trois édits.

d'après Léon COUTIL, 1899